Autorégulations en matière de durabilité : un impact positif sur la gestion de fortune
Dès le 1er janvier 2024, les nouvelles directives en matière de finance durable s’appliqueront pour les clients des banques membres l’Association Suisse des Banquiers (ASB). L’évolution majeure portera sur le profil d’investissement du client.
Jérôme Eschbach, Head of Sustainable Solutions, BNP Paribas (Suisse) SA, Wealth Management
Afin de renforcer la place financière suisse dans sa position de leader mondial en matière de finance durable, l’ASB a initié plusieurs projets ces dernières années. Parmi ceux-ci figurent les nouvelles prescriptions pour la prise en compte des critères de développement durable dans le conseil en placement. Il s’agit d’une étape importante pour la place financière suisse qui complète ainsi les efforts de l’Union Européenne, dont les premiers éléments de l’arsenal réglementaire pour la finance durable sont entrés en vigueur dès 2020.
Ces directives, contraignantes pour les membres de l’ASB, s’appliquent par étapes, avec des délais transitoires permettant aux banques d’adapter leurs processus en interne. Concrètement, l’évolution majeure porte sur le profil d’investissement, qui contenait traditionnellement certaines caractéristiques client telles que son niveau de connaissances financières ou sa propension au risque. Dès l’année prochaine, ce profil sera enrichi d’une section dédiée à la durabilité. Les clients y seront interrogés sur leur souhait d’intégrer leurs préférences ESG (Environnement, Social, Gouvernance) dans le conseil en placement dont ils bénéficient, et ce, dans quelle proportion de leur portefeuille. Dans tous les cas, les préférences financières prévaudront sur les préférences ESG.
« Ce challenge complexe mais nécessaire pour les établissements financiers et les clients permettra de renforcer la position de place financière suisse en matière de finance durable. »
En tant que banque responsable, le groupe BNP Paribas s’est mobilisé depuis longtemps pour proposer des produits financiers durables. Nous sommes convaincus de la valeur de l’investissement responsable pour protéger les portefeuilles de nos clients contre des risques tels que l’exposition aux controverses environnementales, sociales ou de gouvernance, mais aussi pour capter des opportunités de croissance en lien avec la décarbonisation de l’économie notamment. C’est pourquoi nous intégrons depuis de nombreuses années déjà les critères de durabilité à notre analyse financière, ce qui permet à notre univers d’investissement et à nos listes de recommandations de présenter un biais ESG positif.
Ainsi, au 31/12/2022, 66% de notre univers d’investissement noté affichait plus de cinq « Trèfles », selon sur notre méthodologie interne du même nom. Lancée en 2010, cette méthodologie repose sur une analyse indépendante des instruments financiers et comporte une échelle de notation homogène qui offre la possibilité de comparer entre eux les instruments financiers de différentes classes d’actifs. Elle permet aux clients d’ajouter une dimension ESG à leur portefeuille et de réduire le risque d’écoblanchiment.
« Le développement durable fera partie intégrante des entretiens de conseil avec les clients. »
Conformément à la tradition suisse, les directives de l’ASB posent des principes, laissant la liberté à chaque institution financière de choisir son approche. Alors que certaines banques suisses ont opté pour une approche minimaliste, nombre d’établissements présents en Suisse et dans l’UE ont fait le choix d’adopter volontairement le dispositif européen, déclaré comme conforme aux directives helvétiques par l’ASB. Avec des implantations tant en Suisse que dans l’Union Européenne, BNP Paribas en Suisse réfléchit encore à proposer la méthode européenne, même si celle-ci pourrait d’ailleurs s’imposer à terme comme un standard au-delà des frontières de l’UE, l’industrie financière manquant encore cruellement d’un référentiel commun pour évaluer la durabilité des instruments financiers.
Ainsi, les clients des banques ayant opté pour le cadre européen auront le choix entre trois stratégies qui pourront être combinées :
- L’investissement dans des entreprises qui limitent leurs impacts négatifs sur l’environnement ou la société ;
- La sélection d’instruments financiers constitués de sous-jacents durables (les critères étant laissés à la libre appréciation de chaque établissement bancaire), dans une proportion au moins égale à un minimum défini par le client ;
- La sélection d’instruments financiers constitués de sous-jacents durables sur au moins l’une des six thématiques-clés définies par la taxonomie européenne (Atténuation du changement climatique, Adaptation au changement climatique, Utilisation durable et protection des ressources aquatiques et maritimes, Transition vers une économie circulaire, Prévention et contrôle de la pollution, Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes), et ce dans une proportion au moins égale à un minimum défini par le client.
Ces approches sur mesure s’appuient cependant sur des données encore parcellaires, et pourraient s’avérer assez complexes pour certains clients. C’est pourquoi, chez BNP Paribas, les clients pourront s’orienter vers la méthodologie maison « Trèfles » qu’ils connaissent déjà. Et si aucun produit ne répond aux préférences des clients en termes de durabilité, d’autres solutions d’investissement pourront leur être proposées, à condition que cela leur soit clairement indiqué.
En conclusion, les nouvelles autorégulations en matière de durabilité nécessiteront un temps d’appropriation, tant de la part des clients que des conseillers. Nous sommes néanmoins convaincus de la valeur que ces changements apporteront aux clients afin de répondre aux enjeux sociétaux et environnementaux tout en accompagnant la performance et la conservation du patrimoine sur le long terme. C’est notre responsabilité en tant qu’établissement financier au service d’une économie respectueuse de la planète.
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